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Qui était Gorbatchev

INTERNATIONAL 

Décédé à l'age de 91 ans, Gorbatchev à été enterré ce week-end en Russie.

L’ancien président soviétique est décédé le 30 août 2022, à l’âge de 91 ans, «après une longue maladie grave», a annoncé l’hôpital clinique central de Moscou. Voici son portrait.

 

 

Mikhaïl Gorbatchev, originaire du Caucase, devient Premier Secrétaire du Parti Communiste en 1985, à une époque où l’URSS semble à bout de souffle : Celle-ci, affaiblie par l’hyper-centralisation voulue par Moscou, est exsangue, à tel point que le le Japon et l’Allemagne de l’Ouest (RFA) dépassent l’URSS en terme de PIB. La planification d’État sur le plan économique, ne touche pas seulement les orientations économiques et le commerce international, mais aussi tous les aspects de la production, de la distribution et de la consommation, au mépris des ressources disponibles, des possibilités techniques et des besoins de la population, ce qui induit des inégalités entre la bureaucratie, peu nombreuse, qui dispose d’un niveau de vie comparable à la bourgeoisie américaine, et le reste de la population confronté à une pénurie permanente d’énergie, de nourriture et de services. Le système soviétique est ultra-répressif, reposant sur la police politique, le KGB, la surveillance constante de la population, l’interdiction de tout dissidence et de critique du régime, et un système de parti unique. Gorbatchev, qui n’a alors que 54 ans, jouit d’une aura de réformateur jeune et ambitieux, à la suite du pouvoir très conservateur de ses prédécesseurs Brejnev et Andropov.

 

Il attaque alors un vaste plan de restructuration de l’économie soviétique, la perestroïka (reconstruction).Le plan consiste en une libéralisation partielle de celle-ci, sur le modèle occidental : autorisation pour les citoyens de créer des entreprises, restitution des terres aux paysans, libéralisation des grandes entreprises, jusqu’alors entièrement détenues par l’État, décentralisation progressive du régime. La perestroïka est combinée avec la politique de glasnost (transparence), qui instaure une tolérance politique, avec la libération du dissident Andreï Sakharov, liberté de recherche historique sur les crimes du régime, comme le massacre de Katyn, jusqu’alors attribué aux nazis, nouvelle lois sur la presse. Ces réformes n’ont cependant aucunement en vue de remettre en question, mais bien de sauver le système communiste affaibli par des années d’immobilisme, et de donner un second souffle, plus moderne et en accord avec les aspirations de

la population soviétique, au rêve communiste. Mais ces compromis ne font qu’attiser la soif d’indépendance des pays membres du bloc de l’Est. Car libéralisation ne veut pas dire remise en cause du régime : Gorbatchev envoie ainsi l’Armée Rouge mater des manifestations pacifiques dans les régions baltes. Par ailleurs, les réformes qu’il a impulsées désorganisent l’économie davantage qu’elles ne les redressent, e,

l’absence de législation claire. Gorbatchev ne parvient pas non plus à combattre la corruption qui gangrène la nomenklatura soviétique. La catastrophe de Tchernobyl en 1986, qui coûte 25 millions de roubles (18 millions de dollars) à l’URSS démontre par ailleurs le colossal retard

technologique du pays. Gorbatchev ne parvient donc pas à empêcher à la réunification allemande, actée par la chute du Mur de Berlin le 6 novembre 1989. Il retire d’ailleurs de RDA toutes les troupes de l’Armée Rouge qui y sont stationnées, sans tenter de s’y opposer par la force. Le système soviétique s’étiole...

 

Mais lorsqu’en 1990 des manifestations indépendantistes éclatent en Lettonie et en Lituanie, Gorbatchev envoie les chars soviétiques les mater , faisant 14 morts à Riga et 7 à Vilnius, ainsi que plusieurs centaines de blessés, ce qui ne l’empêchera pas de recevoir la même année le Prix Nobel de la Paix. En 1991, les présidents russe, ukrainien et biélorusse font le constat que l’URSS a cessé d’exister. Tout s’accélère. Le jour de Noël, Mikhail Gorbatchev annonce sa démission, actant la disparition de l’Union Soviétique.

 

«Le résultat [de son action] fut un monde plus sûr et davantage de liberté pour des

millions de personnes» a déclaré le président des États-Unis Joe Biden. Emmanuel Macron a salué en lui «un homme de paix», tandis que pour l’ex-chancelière Angela Merkel, qui a grandit en RDA, Gorbatchev a «montré comment un seul homme d’État peut changer le monde pour le mieux». Les réactions à sa mort sont moins beaucoup plus mitigées en Russie, et plus largement, dans l’ancien bloc de l’Est. Si, pour le rédacteur en chef de la Novaya Gazeta Dmitri Mouratov, Prix Nobel de la Paix 2021, «Gorbatchev était l’un des très rares à ne pas utiliser le pouvoir et les opportunités de gains et d’enrichissement personnel», le sentiment qui domine, en Russie, c’est l’indifférence. Le présentateur de Russia Today, un média aux mains du pouvoir russe, s’est même félicité de son décès : «En six ans, il a détruit toute notre patrie et trahi l’ensemble du camp socialiste». Rien d’étonnant à cela ; on se souvient que Vladimir Poutine considère l’effondrement de l’URSS comme la plus grande catastrophe géopolitique du XXè siècle. La mort du dirigeant soviétique est bien sûr symbolique, en pleine guerre en Ukraine, mais le but de ses réformes n’a jamais été de faire tomber l’URSS : Gorbatchev avait pour objectif de préserver l’Union Soviétique. «C’était même un criminel du point de vue d’un État démocratique qui a ordonné la répression brutale

des manifestations pacifiques à Vilnius, Tbilissi (Géorgie), Alma Ata (Kazakhstan), Bakou (Azerbaïdjan), a déclaré le ministre de la défense lituanien. Le seul point positif : il a signé la capitulation de l’Union Soviétique. A-t-il fait tomber le mur de Berlin ? Non. Cela a été le fait des peuples qui voulaient la liberté».

 

 

Rédaction : Nathan Valayden, service histoire et géopolitique de Planète Info